Comment clarifier l’intention de ses photos?

Chères lectrices, chers lecteurs,

prendre une photo est un acte qui peut être systématique et presque irréfléchi. Par exemple vous visitez la cité antique de Delphes en Grèce, vous arrivez sur le site, et vous ne pouvez pas vous empêcher de photographier le premier temple à colonnes que vous rencontrez. De ce type de pratique n’accouche pas nécessairement le meilleur résultat, on parle volontiers de « photo de touriste ». Voyons comment, même si il nous arrive de faire du tourisme, ne pas faire de « photo de touriste ». Nous allons mettre en évidence le fait que clarifier l’intention de ses photos et une des clés de la personnalité artistique.

  • N’exagérons rien, la photo de touriste n’est pas le mal!
  • La photo descriptive et la photo narrative
  • Évitez les compromis, pour une intention artistique franche

« Frogs », par Alexas_Fotos (artiste présente sur le site pixabay.com)

N’exagérons rien, la photo de touriste n’est pas le mal!

A mon sens il ne faut pas, sous prétexte de vouloir faire des photos qui sortent du lot, critiquer de façon trop vive les photos dites de touriste. Mettez-vous par exemple à la place d’une personne qui visite Paris pour la première fois et qui n’est pas certaine d’y retourner un jour. Que va-t-elle faire devant l’Arc de Triomphe? Vous conviendrez avec moi que à moins de connaître une personne qui habite à proximité et donc de disposer d’un balcon qui offre une vue peu commune sur l’édifice, de la place de l’Etoile nous devons nous limiter à faire une photo… de touriste! Bien entendu on va prendre soin de régler comme il se doit notre appareil, cependant nous n’allons pas pouvoir rapporter une photo originale de l’Arc De Triomphe. Dans le cas d’une personne qui visite Paris pour la première fois et qui n’est pas certaine d’y retourner un jour, doit-elle s’empêcher de prendre la photo sous prétexte qu’elle est « cliché », déjà vue, « touristique »? Bien entendu non!

J’ai eu à titre personnel l’occasion d’aller deux fois en Grèce, dont une fois à Athènes. Voici la photo que j’ai pu faire, qui date de 1994, du célèbre Parthénon:

Les contraintes étaient nombreuses… Il y avait toute une partie de l’édifice en restauration, il fallait donc autant que possible limiter l’impact visuel des échafaudages. Je voulais le moins de monde possible sur la photo. Il fallait faire vite, composer avec une lumière de mi-journée pas idéale. Dans ces conditions, qui sont celles de n’importe quel touriste (et ça tombe bien, j’étais alors un touriste!), difficile de rapporter mieux comme cliché du célèbre monument. Aurais-je dû renoncer à prendre la photo sous prétexte que toutes les conditions (lumière, personne sur le site à part moi, travaux en cours sur l’édifice, etc…) n’étaient pas réunies? Non! L’essentiel a été de faire du mieux possible avec les moyens du bord. Je n’ai pas eu l’occasion depuis 1994 de retourner à Athènes, je suis donc satisfait d’avoir pu prendre cette photo, même si elle n’est pas créative du tout.

La photo descriptive et la photo narrative

Au quotidien, pour entamer une démarche artistique, il faut réflechir au type de photos que nous faisons. La photo que nous venons de voir du Parthénon est ce qu’on peut appeler une photo descriptive. C’est la photo qui dit « j’étais à Athènes, j’ai vu le Parthénon, voici un souvenir ». Comme nous l’avons vu dans la section précédente il n’y a pas de mal à faire de telles photos, nous en avons tous fait, à titre personnel j’en fais encore. Cependant ce ne sont pas les photos qui vont vous faire progresser. Une photo descriptive peut être originale quand elle montre une chose pour la première fois, par exemple la première photo du sommet de l’Everest. On peut alors parler de photo à la fois descriptive (le sujet de la photo est simple, le Mont Everest) et originale (c’est la première photo du Mont Everest qui existe).

Le cas est de plus en plus rare, en ce sens que tout ou presque sur notre planète a déjà été photographié (le Parthénon, n’en parlons pas!). Ne vous privez pas d’une photo purement descriptive quand vous êtes en vacances, ce n’est pas le mal et c’est bien légitime de rapporter des souvenirs!

Pour progresser il est bon de vous intéresser à ce que peut raconter une photo, en d’autre termes la photo narrative. Voyons un autre exemple, toujours tiré de ce voyage de 1994 (on est cette fois-ci en Crète):

Voyant que la route allait faire quelques lacets, j’ai devancé un peu le groupe pour, en cas de sujet de photo intéressant, n’avoir personne en casquette et sac banane sur la photo… Coup de chance (il en faut parfois), une dame revenait de son oliveraie avec les sacs à dos d’âne. Clac, dans la boîte. L’exposition est bonne sur cette photo, je ne remercierai jamais assez mon regretté labo photo de l’époque (qui parfois pouvait rattraper des pellicules à la limite du montrable pour en faire des tirages correctes).

En parlant de photo narrative, je n’entends pas intellectualisation à outrance de la photo (du genre « oui, alors cette photo montre la pauvreté de la condition des travailleuses dans les champs d’olive, obligées de porter la récolte à dos d’âne, alors que les riches propriétaires garent négligemment leurs belles voitures le long du chemin, ma photo est un manifeste social pour une plus grande égalité entre les… etc, etc, etc… »). Il n’y a pas nécessairement d’histoire au sens propre du terme racontée par la photo, je veux simplement dire que la photo narrative se distingue de la photo descriptive en ce sens que le ou les sujets sont placés de façon réfléchie dans la composition.

Voyons maintenant un levier de créativité permettant aux photos narratives de gagner en force, de manifester une intention artistique claire.

Évitez les compromis, pour une intention artistique franche

Comme vous le savez (ou pas) il existe en photographie des règles de composition. Pour reprendre la photo de l’âne et de la fermière, vous noterez que les sujets sont placés à proximité d’un point de force, intersection de deux lignes de tiers. On appelle ça la règle des tiers, à savoir que les objets et sujets placés sur un des quatre points de force va visuellement être mis en avant dans la composition:

Cette règle n’est qu’une règle. Elle a ses partisans, ses opposants, ses intégristes. A titre personnel je pense que c’est une bonne règle, permettant de donner une bonne dynamique à ses compositions. Cependant, comme toute règle, elle est faite pour, quand la créativité l’exige, être dépassée.

C’est là où la radicalité entre en jeu. Si vous vous affranchissez d’une règle, allez-y à fond. Un corollaire de la règle des tiers assez connu est que pour une photo de paysage il faut placer environ un tiers de ciel et deux tiers de terre pour une composition harmonieuse. C’est un fait, si vous suivez cette règle vous n’aurez pas de mauvaises surprises. Mais vous pouvez aussi tenter ça:

Cette photo, prise en décembre 2016, exploite l’espace vide (dans le cas présent le ciel quasiment uniformément bleu). Il n’y a pas de compromis, du style « à la place de mettre 1/3 de ciel, je vais mettre 1/2 ». L’intention photographique doit être franche et sans ambiguïtés. On voit sur cette photo que ce n’est pas une règle des tiers ratée par défaut de cadrage, on voit que la proportion ridicule de bande de terre est une volonté artistique, non un incident.

Il en va de même pour les photos de travers. Un petit peu de travers (une dizaine de degrés) fera de votre cliché un cliché raté, pour lequel vous n’avez pas su mettre l’horizon droit. En revanche, pencher la composition de 45° ne laissera pas de doute sur votre intention.

Cette radicalité ne plaira pas nécessairement, on ne peut pas plaire à tout le monde. Simplement une intention artistique franche permettra de rendre lisible vos photos et vous permettra, au fil du temps, de trouver un style qui vous est propre.